«La cohésion sociale est en danger», avertit Jonathan Gretillat, président de l’ASLOCA neuchâteloise, en référence à une Suisse où deux tiers de la population sont locataires. «La tendance à l’augmentation des loyers poursuivra cette année», après la hausse de 4,7% relevée pour 2023 par la banque Raiffeisen. Outre la politique anti-inflationniste de la Banque nationale suisse (BNS), les prix des loyers ont aussi réagi à la raréfaction des objets, soulignent les milieux immobiliers.

Faire marcher les règles

Un «constat» qui rappelle qu’un «marché à sec ne doit pas justifier des hausses de loyers». Il s’agirait simplement, insiste Jonathan Gretillat, de faire marcher les règles du droit du bail, un «droit qui ne s’appuie pas sur la loi de l’offre et de la demande». Le niveau des loyers doit refléter l’évolution des taux hypothécaires, de l’inflation et des coûts d’entretien, non pas la pénurie d’objets immobiliers, répète l’avocat qui est en poste depuis 2017.

«Face à la pression accrue», ce dernier demande la prise rapide de mesures plus énergiques de la part du Conseil fédéral, en l’occurrence des services de Guy Parmelin, afin de modifier le mécanisme légal, sachant que combattre la seule insuffisance de l’offre ne suffit pas. «C’est pourquoi l’Etat doit pouvoir contrôler les loyers», lâche Jonathan Gretillat, histoire d’éviter la spirale à la hausse. Une situation qui a déjà existé après la Deuxième Guerre mondiale.

La solution répondait alors au manque de logements. Abolie progressivement jusque dans les années 1970, elle impliquait contrôles et validations, explique-t-il, une approche peu du goût des milieux économiques d’aujourd’hui. Au-delà, un changement de paradigme signifierait faire entrer dans le jeu des acteurs autres que les banques et les assurances, qui «cherchent à rentabiliser». L’idée pourrait consister à soutenir des maîtres d’ouvrage d’utilité publique.

Zurich et ses coopératives

«Avec pour objectif de stabiliser les loyers», avance le président de l’association de défense des locataires. L’avocat mentionne ici les coopératives de logements, moins en verve dans le canton, mais qui en ville de Zurich, par exemple, représentent 8% du marché local, avec un parc qui concentre près de la moitié de ce type d’habitats en Suisse. Toujours à Zurich, 25% des logements sont même la propriété d’organismes sans but lucratif, fondations ou coopératives.

Le principe est simple: des personnes se regroupent, fondent une coopérative dont ils sont membres, laquelle société construit des logements qu’elle loue à ces derniers. «Avec ce modèle, on ferait d’une pierre deux coups», indique Jonathan Gretillat, dans un contexte où il devient de plus en plus difficile d’accéder à la propriété. Une étude d’UBS vient de révéler que seuls 15% des ménages en ont désormais les moyens, contre 60% il y a 20 ans.

Le récent sentiment de détente sur le front des loyers est alimenté par l’assouplissement de la politique monétaire amorcée en mars par la BNS, après cinq resserrements opérés à partir de juin 2022. De plus, à la suite des deux hausses en juin et décembre 2023, le taux d’intérêt de référence applicable aux contrats de bail de l’Office fédéral du logement est resté inchangé à 1,75% le mois passé. La perspective d’une nouvelle hausse des loyers est ainsi écartée à court terme.

Les locataires doivent rester vigilants

La situation est plutôt à la détente en matière de loyers. Mais les locataires n’ont pas fini de digérer les effets des relèvements de taux.